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mercredi 25 décembre
Rendons la parole aux citoyens !

Le quinquennat qui s’achève a été profondément marqué par la confiscation de la délibération collective. Il est donc urgent de recréer des espaces de dialogues et permettre l’expression citoyenne, dans l’espace public comme dans les entreprises nous explique Didier le Bret, conseiller d’Anne Hidalgo pour les questions démocratiques et auteur de "Rendez les doléances", publié aux éditions Lattès.

Cap Finistère : Comment expliquez-vous l’impasse démocratique dans laquelle s’est enfermé Emmanuel Macron ?

Didier Le Bret : Il faut se souvenir des origines de ce pouvoir pour comprendre les frustrations. Lorsqu’Emmanuel Macron se présente, il publie un livre qui s’appelle « Révolution ». C’est un mot fort qui a du sens, certainement pas choisi au hasard. Il a embarqué les gens dans sa dynamique En Marche sur la promesse d’un processus très horizontal en leur disant : Vous voulez sortir des corps intermédiaires ? Vous voulez sortir des partis politiques qui ne représentent plus qu’eux-mêmes ? Vous voulez sortir d’une vie politique qui a été dévitalisée ? Alors reprenez votre destin en main, faites émerger les idées. De nombreux Français ont joué le jeu, ont repris goût au débat, à la politique. Ils ont rapidement réalisé que le candidat ne s’était livré au fond qu’à une banale étude de marché, permettant de segmenter un peu plus une offre sans coherence de type "attrape mouches" ! C’était bien fait, et cette révolution technologique, optique, lui a permis d’être élu.
Cependant, très rapidement, trois malentendus vont se succéder. Le premier intervient lorsqu’il envoie au parlement une majorité absolue de députés godillots. Là, les électeurs constatent que sa Révolution est non seulement un retour à l’identique mais en pire. Les électeurs espéraient une révolution et ils ont eu une monarchie constitutionnelle

Le deuxième malentendu intervient lorsque, pour court-circuiter les corps intermédiaires, il convoque ses états généraux. Pour le grand débat national, il se met, littéralement, au centre du jeu : exactement le contraire de ce pourquoi sont conçus les instruments de la participation citoyenne. Il choisit les questions, fait les réponses, cadre le débat, il tire les conclusions en quelques semaines, il fait un chèque et décrète qu’il est temps de passer à autre chose.
Enfin, la convention citoyenne pour le climat constitue le 3e rendez-vous manqué. Après avoir fait miroiter des perspectives très ambitieuses, le président détricote un ensemble qui avait une cohérence mais dont il ne reste en bout de course plus grand-chose. Promesse déçue, comme pour les doléances d’ailleurs.
Cap Finistère : Comment Anne Hidalgo compte-t-elle redonner vraiment la parole aux citoyens ?
Didier Le Bret : Elle a entendu les Français qui dénoncent la confiscation du débat et elle a repris l’idée qui est le plus fortement ressorti, c’est-à-dire le Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Face à un pouvoir qui refuse d’écouter et qui est persuadé d’avoir toujours raison, le référendum semble la seule solution pour permettre de faire entendre la voix des citoyens, de reprendre la main sur l’agenda politique. De plus, tirant là aussi les leçons de ce quinquennat, Anne Hidalgo propose de rabaisser les conditions de déclenchement du RIP (référendum d’initiative partagé) à un million de signatures de citoyens contre un peu plus de 4 millions aujourd’hui.
Cap Finistère : Ce recours aux référendums ne risque-t-il pas de laisser de côté les corps intermédiaires qui, déjà, ont été ignoré depuis 5 ans ?
Didier Le Bret : Non, bien sûr. On manque de débats à tous les étages, pas seulement dans la sphère publique mais aussi dans les entreprises qui ont tout à gagner à intégrer davantage les salariés dans toute forme de discussions. Pas seulement pour des négociations salariales, mais aussi sur la stratégie de l’entreprise, sur leur degré d’adhésion au projet professionnel... Nous disposons de marges de manœuvre importantes pour que les salariés ne se sentent pas seulement des pions mais aussi détenteurs d’une partie des vrais actifs de l’entreprise. La limitation des écarts de salaires peut aussi contribuer à favoriser le dialogue. Plus l’écart se creuse, moins on peut se comprendre. A force de s’éloigner les uns des autres, on finit par se perdre de vue. Comme je ne crois pas à l’homme providentiel en politique, je ne crois pas au génie dans l’entreprise qui pourrait, sur ses seules qualités, justifier des écarts de salaires aussi exorbitants. Nous devons au contraire créer les conditions de délibérations collectives capables de faire émerger des solutions.

Article publié dans le Cap Finistère n°1362 du 18 février 2022




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