L’élection présidentielle doit se jouer sur le terrain des idées et du projet. Le bulletin que les électrices et les électeurs utiliseront les 10 et 24 avril devra apporter une réponse à une seule question : quelle France voulons-nous ?
Le 13 janvier, lors d’une conférence de presse, Anne Hidalgo a présenté son programme présidentiel. « La vraie campagne commence maintenant, avec la présentation des projets », a-t-elle annoncé, rappelant au passage que toutes les élections comportent leur lot de surprises.
La candidate a profité de cette occasion pour rappeler l’importance du rôle des journalistes dans notre démocratie, répondant ainsi aux attaques proférées par Éric Zemmour lors de ses vœux à la presse. Il n’est évidemment pas question pour la candidate socialiste de menacer ou de dénigrer, mais au contraire de garantir le pluralisme et l’indépendance des médias.
Ce programme est le fruit d’un long travail collectif, coordonné par Anne Hidalgo, dans lequel se sont engagés les groupes parlementaires à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen, l’équipe de France des maires socialistes, des experts et les secrétaires nationaux du Parti Socialiste. Le rôle joué par les élus, parlementaires, mais aussi maires ou présidents de collectivités, dans l’élaboration de ce programme, est un gage de sérieux. D’ailleurs, contrairement à d’autres programmes présentés par les autres candidats, celui-ci est chiffré. Si la candidate peut s’engager à mobiliser 50 milliards d’euros pour le travail (3 milliards), l’écologie et la réindustrialisation (15 milliards), l’éducation et la jeunesse
(14 milliards) les nouvelles sécurités sociales (14 milliards) ou la Justice et la sécurité (4 milliards), c’est parce qu’elle a également des propositions de nouvelles recettes. L’instauration de l’ISF climat et biodiversité doit rapporter 5 milliards, l’imposition des très hautes successions 8 milliards, la fiscalité sur les multinationales 6 milliards, la lutte contre la fraude fiscale 6 milliards, la réduction des dépenses néfastes à l’environnement 10 milliards, la réorientation des fonds européens du plan de relance 5 milliards et les recettes liées au surplus de croissance 10 milliards.
« Un projet républicain, social et écologique. »
Le produit de l’ISF climat et biodiversité permettra de contribuer aux investissements nécessaires à la transition écologique, mais aussi d’accompagner les citoyens.
39 milliards d’euros ont été attribués à la France par l’Union européenne. Les 25 milliards qui n’ont pas encore été perçus serviront à financer les investissements pour la planification écologique.
S’il est sérieux, ce programme est aussi, et surtout, ambitieux puisqu’il avance des propositions de rupture avec le modèle économique et s’engage pour un véritable tournant écologique avec l’instauration d’une planification écologique et la nomination du numéro deux du gouvernement en charge de l’économie et du climat.
Le programme d’Anne Hidalgo vise à répondre à la triple crise sociale, écologique et démocratique. Il comporte 70 propositions et se divise en huit parties.
Candidate socialiste, Anne Hidalgo commence par revaloriser le travail. Cela passe par une augmentation du SMIC de 15 %, ce qui représente 200 euros nets par mois. En outre, la candidate annonce l’ouverture de négociations par branches, alors que dans plusieurs secteurs, comme la restauration, des discussions se sont déjà engagées, tout simplement parce que la faiblesse des rémunérations se traduit très concrètement par les difficultés de recrutement.
La revalorisation du travail passe aussi par la baisse des écarts de rémunérations, de 1 à 20 dans les entreprises entre le salaire le plus haut et le plus bas.
De même, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes doit enfin se réaliser. Comment ? En inversant la charge de la preuve et en obligeant les entreprises à prouver qu’elles ne discriminent pas les salariées. Voilà trop longtemps que les lois ne sont pas respectées, il est temps de faire appliquer ce principe d’égalité.
L’écologie est le combat du siècle. Il faut en prendre la mesure et changer de braquet, notamment en matière de fiscalité, en créant un impôt sur la fortune climat et biodiversité, afin de mettre à contribution les plus fortunés. « Notre fiscalité environnementale sera dotée d’une règle d’or climatique pour assurer la transparence et la pertinence des usages », peut-on lire dans le programme. « 50 % pour
la transition écologique et 50 % pour des mesures sociales en faveur des ménages particulièrement impactés par la transformation de nos modes de vie ou déjà en difficulté financière. »
Les socialistes défendent une république vivante, une démocratie continue. Le mode de gouvernance de la majorité actuelle a profondément abîmé la démocratie. De décisions en conventions citoyennes qui ne sont pas suivies d’effets, la Ve République est à bout de souffle. Pour autant, la candidate ne propose pas de passer à la VIe mais de prendre mieux en compte les aspirations des citoyens, notamment en instaurant un référendum d’initiative citoyenne.
Anne Hidalgo ne sera pas une Présidente qui se mêle de tout. Elle laissera le gouvernement gouverner et redonnera toutes ses prérogatives au Parlement.
La candidate avait déjà esquissé les grandes lignes de son programme pour l’Éducation au forum, qui s’est tenu au Relecq-Kerhuon. Le chantier est énorme, mais essentiel pour bâtir notre avenir. Comme elle l’avait annoncé, la candidate annonce que la rémunération des enseignants sera portée progressivement au niveau de celui des cadres, en commençant par les débuts de carrières.
L’école devra s’appuyer sur les nouvelles pédagogies pour apprendre aux élèves à apprendre.
Parcoursup sera supprimé au profit de règles justes et humaines d’accès à l’enseignement supérieur.
La construction de nouvelles sécurités sociales a toujours été porté par la Gauche.
À Droite, on assiste à une surenchère concernant l’âge de départ à la retraite. Les Françaises et les Français veulent connaître les conséquences de leurs votes en la matière. « La pérennité du système de retraite n’est menacé, ni à court terme ni à long terme. L’âge légal de départ ne sera pas augmenté. Il sera plafonné aux 62 ans actuels. »
Avec l’école, la santé et le second pilier du service public qui sort fortement affaibli de ce quinquennat. Il faut tourner la page de l’Hôpital-entreprise et de la maîtrise comptable des dépenses de santé qui ont montré leurs limites avec la crise sanitaire, même si, après la pandémie, l’hôpital public connaissait déjà de graves difficultés. « Je fonderai les modalités d’évolution et de maîtrise de nos dépenses de santé sur des Objectifs Nationaux de Santé Publique (ONSP) et non plus uniquement sur des objectifs budgétaires », explique Anne Hidalgo. Ces objectifs seront débattus par le Parlement, chaque année, avant la loi de financement de la sécurité sociale. Les règles de la tarification à l’acte, qui expliquent en partie la crise actuelle de l’hôpital, seront modifiées afin de garantir aux établissements une dotation correspondant aux besoins de santé de la population desservie.
Pour assurer la santé de tous les Français, 15000 nouveaux médecins seront formés. Afin de lutter contre les déserts médicaux, une année de professionnalisation comme médecins-assistants sera inscrite à la fin du parcours des étudiants en médecine.
L’accent sera mis sur la prévention des maladies chroniques.
Une République doit assurer la justice, l’état de droit et la sécurité. La police se verra affecter deux priorités : la tranquillité publique et la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Enfin, des moyens seront déployés pour lutter contre les violences faites aux femmes : un ministère de plein exercice des droits des femmes, doté d’un budget d’un milliard, sera rétabli.
Il est temps de se donner les moyens de la reconquête économique par l’écologie. La puissance publique doit s’atteler à la réindustrialisation du pays, dans quatre directions qu’Anne Hidalgo a baptisé des odysées : la santé, l’énergie, la mobilité et le numérique. Enfin, toutes les aides publiques aux entreprises seront conditionnées au respect de critères sociaux et environnementaux.
Laissée de côté pendant ce quinquennat, l’économie sociale et solidaire sera accompagnée. « L’ESS est à mes yeux un modèle économique de référence », insiste Anne Hidalgo. Un ministre de plein exercice sera nommé et chaque ministère nommera un référent ESS. L’accès à la commande publique sera facilité. L’économie circulaire sera soutenue grâce à un taux de TVA réduit pour les produits issus du recyclage ou du réemploi.
Pour agir face aux désordres du monde, il faut conjuguer la voix de la France et la force de l’Europe. Européenne convaincue, Anne Hidalgo rappelle que l’Union européenne est un instrument de notre souveraineté.
Alors qu’Emmanuel Macron s’apprête à casser les corps diplomatiques français, Anne Hidalgo veut au contraire renforcer le rôle de la France et de la francophonie dans le monde et renforcer son « soft power », trop délaissé depuis cinq ans.
« Un programme sérieux et financé. »
Voilà donc un cap qui s’articule autour de 70 propositions argumentées et financées. C’est autour d’elles que doit maintenant s’organiser le débat de la Présidentielle.
Vers l’accessibilité universelle
Alors qu’Éric Zemmour dénonce « l’obsession de l’inclusion », Anne Hidalgo, au contraire, veut donner aux personnes en situation de handicap les moyens d’être pleinement citoyennes. C’est l’ambition de la 39e proposition de son projet.
« Plus de 15 ans après la loi de 2005 sur les droits des personnes en situation de handicap, son ambition reste trop souvent lettre morte. Je veux garantir l’égalité pleine et entière à tous les âges de la vie. Elle commence à l’école où il faut doter les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) d’un statut pérenne, qui les sorte de la précarité et garantisse la qualité de cette fonction essentielle.
La formation de l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale
sera renforcée autour du projet d’école inclusive. En lien avec les maires et les acteurs du handicap, je continuerai à œuvrer pour l’accessibilité universelle, en m’attaquant à tous les sujets : logements, transports, services, culture, sport, etc. Je mènerai à son terme l’individualisation de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH). »
Article publié dans le Cap Finistère n°1379 du 21 janvier 2022
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