Robot Révolution
Les robots vont-il détruire nos emplois et notre économie ? Alors que certaines enseignes de la grande distribution expérimentent les supermarchés totalement automatisés ou que des géants du numérique testent des drones pour livrer leurs colis, c’est la question que chacun est en droit de se poser. Dans « Robot Révolution » (éditions Orient’action), Emeric Lebreton, universitaire, puis créateur d’un cabinet de conseils dans le recrutement et la formation professionnelle, fait le point sur les nouveautés technologiques et avance plusieurs propositions pour qu’elles ne se traduisent pas par une crise sociale.
Cap Finistère : Tout d’abord, qu’est-ce qu’un robot ?
Emeric Lebreton : Je définis un robot comme : un « robot » est un système automatisé pouvant prendre différentes formes (appareil mécanique, électronique, logiciel informatique, bras robotisé, humanoïde, etc) à qui un être humain peut déléguer la réalisation d’une tâche de façon dirigée ou autonome. Le terme « robot » désigne donc un système automatisé de façon large. Un robot peut être doté d’une intelligence artificielle, mais pas nécessairement.
Cap Finistère : Quels sont les secteurs les plus concernés aujourd’hui ? Et ceux qui le seront demain ?
Emeric Lebreton : Les secteurs les plus touchés par la robotisation sont en premier le commerce. De nombreux systèmes de vente automatisés se développent dans ce secteur. Il y a bien sûr les caisses automatiques, que l’on connaît bien maintenant, (fin août, il y a eu une polémique à ce sujet à cause d’un magasin ouvrant ses portes le dimanche grâce aux caisses automatiques et « détournant » ainsi les règles en matière de travail le dimanche dans la ville d’Angers), mais il existe aussi des supérettes entièrement automatisés comme Ximity qui commencent à s’implanter et ce sans compter tout le système de commerce en ligne. Il y a donc une vraie révolution à prévoir dans ce secteur avec des pertes d’emploi (on peut se rappeler à ce propos le sort réservé aux vidéo-clubs ou aux guichetiers de banque).
Le deuxième secteur le plus touché est la logistique. C’est d’ailleurs dans ce secteur que les innovations sont les plus nombreuses. Les grandes plateformes cherchent à développer des systèmes automatisés de livraison et des plates-formes logistiques entièrement automatisées. Pour l’instant, il y a une telle augmentation de la demande en livraison de colis que ce secteur crée des emplois. Mais à termes, la tendance devrait se retourner.
Le troisième secteur qui est touché et qui sera le plus touché à l’avenir est celui de la relation client. Personnel d’accueil physique ou téléphonique devrait disparaître dans les années à venir remplacé par des chatbot qui traiteront 95 % des demandes.
Cap Finistère : Face à cette « robot révolution » que conseillez-vous aux salariés qui travaillent dans un secteur fortement touché ? Et aux jeunes qui s’interrogent sur leur orientation ?
Emeric Lebreton : Je leur recommande vivement de se former aux compétences digitales. Cette compétence est essentielle. La compétence digitale est la capacité à évoluer dans un environnement digital comme une application sur smartphone, une interface informatique sur ordinateur. Je leur recommande également de faire des études longues car les emplois les plus touchés sont les emplois dit médians (Bac à Bac+2). Ils peuvent privilégier également la formation continue. Ce qui compte, c’est d’avoir une attitude proactive en matière de formation et de ne pas rester sur ses acquis.
Pour les adultes, il y a également un véritable effort de formation à faire pour ne pas se faire rattraper par le « rouleau compresseur du numérique ».
Phénomène d’évolution technologique qui entraîne de façon irrémédiable la montée en qualification des salariés d’une organisation. Les métiers les plus faiblement qualifiés sont remplacés progressivement par des robots, obligeant les êtres humains à acquérir des compétences nouvelles plus complexes. Les salariés qui n’évoluent pas sont rattrapés par le « rouleau compresseur du numérique » et leur emploi est supprimé.
Cap Finistère : Comment l’État peut protéger les emplois ?
Emeric Lebreton : Une réflexion sur une « taxe robot » va devoir être amorcée, car aujourd’hui la taxation porte « trop » sur le travail humain ce qui renforce l’attractivité des systèmes automatisés face aux humains.
Par ailleurs, il faut une politique de formation extrêmement proactive pour faire monter en compétences l’ensemble de la population. Car ce sont les compétences qui sont les plus protectrices face à cette révolution.
Article publié dans le Cap Finistère n°1281 du 20 septembre 2019