Accueil > Actualités de la fédération > articles cap Finistère > articles
LES BLOGS
SOCIALISTES
Tous les blogs
RECHERCHE
mercredi 25 décembre
Sans loi ni droits
« Si les socialistes ne s’emparent pas de cette question, et n’apportent pas des réponses sociales et réglementaires, personne ne le fera ». C’est la conclusion à laquelle est arrivé Yann Guével, adjoint au maire de Brest, après avoir regardé de près la situation des livreurs de repas qui, depuis quelques mois, parcourent les rues de Brest. 
En effet, la mairie a été sollicitée par plusieurs habitants exaspérés qui se plaignaient d’attroupements de livreurs qui, en attendant les commandes, se regroupaient à proximité de restaurants, le plus souvent des fast-foods, rendant ainsi difficile la circulation des piétons. D’autres plaintes ont été enregistrées concernant la conduite « sportive » de ces conducteurs de scooters. 
Lorsqu’un salarié d’une entreprise classique conduit de façon dangereuse, il suffit de prendre contact avec son employeur. Mais dans le cas des travailleurs des plateformes, il n’en va pas de même a pu se rendre compte l’élu brestois. Et si les livreurs prennent des risques, c’est parce que leurs commissions sont calculées en fonction du temps qu’ils prennent pour livrer leurs commandes. 
« En regardant de plus près, j’ai découvert que nous étions en train d’assister à la création d’un sous-prolétariat sans aucun droit et sans aucune garantie », explique Yann Guével. Car les plateformes cherchent par tous les moyens à faire croire qu’il n’existe aucun lien de subordination entre elles et les livreurs. Qui dit lien dit contrat de travail. Or, le modèle économique de ses plateformes repose sur l’utilisation du statut d’auto-entrepreneur. 
 
« Les travailleurs des plateformes doivent être protégés. » 

La force des entreprises qui gèrent ces plateformes est spectaculaire. Grâce aux données qu’elles ont accumulées, elles sont capables de prédire, en fonction de la météo, des jours de la semaine, des programmes télévisés, quels plats seront commandés, dans quel quartier et à quelle heure. 
Face à ce phénomène qui prend des proportions particulièrement inquiétantes, Yann Guével plaide pour un encadrement des activités des plateformes et l’instauration de normes sociales 
C’est aussi le sens de la note de Vincent Duchaussoy et Aurélia Andreu, publiée par le Think tank L’Hétairie. Les deux auteurs y proposent notamment que les auto-entrepreneurs qui n’ont qu’un client ne puissent bénéficier de ce statut que pendant 18 mois. Ils proposent également de limiter le recours des plateformes à des prestataires auto-entrepreneurs en pourcentage de l’effectif global de l’entreprise. 
Vincent Duchaussoy et Aurélia Andreu plaident également pour imposer aux plateformes des négociations pour l’établissement d’un revenu minimum pour une prestation qui tienne compte des coûts fixes supportés par les travailleurs. Ils demandent également l’interdiction des formations payantes obligatoires pour s’inscrire sur les plateformes. 
Les plateformes devraient se voir imposer un préavis minimal de deux mois pour rompre le lien contractuel qui les lie aux travailleurs indépendants auxquels elles font appel. 
Enfin, compte tenu du caractère précaire de ces emplois, Vincent Duchaussoy et Aurélia Andreu proposent d’instaurer une prime spécifique à la fin des contrats. 
Pour Yann Guével, il est urgent d’encadrer l’activité des plateformes. Mais il est aussi important que les clients qui passent par elles pour se faire livrer leurs repas prennent conscience des conditions de travail des livreurs.
 
Les nouveaux travailleurs des applis

Sur la web tv du Parti Socialiste, dans la rubrique « Trois questions à… », Isabelle This Saint-Jean a interviewé la sociologue Dominique Méda qui vient, avec Sarah Abdelnour, de publier Les nouveaux travailleurs des applis (PUF). Voici ce qu’elle explique : 
« L’économie des plateformes c’est une nouvelle économie qui est composée d’entreprises qui utilisent des applications numériques pour mettre en relation des offreurs et des demandeurs de biens et de services. Ça s’est déployé considérablement depuis 2010. Au début, on l’appelait l’économie collaborative parce qu’on pensait à l’horizontalité, aux relations entre les gens, aux relations de pairs à pairs. Mais à mesure qu’elles se développaient on a fini par voir les inconvénients de ce type de plateforme et on a plutôt parlé de capitalisme de plateforme. On dit souvent que l’intérêt de ces plateformes est de donner de l’emploi à des gens qui n’en ont pas, mais on parle aussi beaucoup de l’autonomie que ça donnerait aux travailleurs en disant que les travailleurs en auraient assez du salariat et auraient envie de trouver d’autres modes de travail. Quand on regarde bien ce qui se passe, très souvent, ces plateformes obligent les gens à se mettre sous le statut de micro-entrepreneurs alors que de fait il s’agit de relations salariées, que ce travail est très peu rémunéré et que l’autonomie est une illusion. Les personnes sont au contraire surveillées, contrôlées, dirigées et c’est pour ça que l’on commence à avoir, aujourd’hui, une série de requalification de ces travailleurs en salariés. »
 
Article publié dans le cap Finistère n°1288 du 15 novembre 2019



Partager Publier sur twitter