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mercredi 25 décembre
Secrets toxiques

Qui contrôle les contrôleurs ? On pouvait croire que l’interdiction du glyphosate et son remplacement par de nouveaux produits mettaient les utilisateurs de pesticides à l’abri de contamination. D’autant que le discours tenu par la Commission européenne laisse croire que l’utilisation des pesticides va drastiquement baisser dans les années à venir. Et pourtant, l’agence européenne de certification l’EFSA, (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) est dans le collimateur d’associations de défense de l’environnement et d’élus de gauche et écologistes. Ils s’en sont expliqués, le 25 février, lors d’une visioconférence de presse. Cinq députés européens, dont Éric Andrieu pour le groupe socialiste, ont saisi l’EFSA pour « l’alerter sur les défauts d’application du règlement européen n° CE 1107/2009, sur le défaut d’exécution de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 1er octobre 2019 et pour solliciter la mise en place de procédures spécifiques d’exécution de ce règlement et de cette décision, afin de vous voir prendre en compte les effets cocktails, notamment à l’intérieur d’un produit, dans les procédures d’évaluations de produits pesticides ». 

Aujourd’hui, l’évaluation des produits pesticides s’effectue à deux niveaux. Pour l’échelon européen, l’EFSA évalue les « substances actives » que les industriels déclarent. 

L’EFSA doit assurer le respect du règlement européen et appliquer les dispositions de ce règlement. Des analyses de toxicité à long terme doivent être effectuées sur ces substances actives déclarées, mais pas seulement, avec tous les composés avec lesquelles elles seront mélangées, dit l’arrêt de la CJUE du 1er octobre 2019. 

Chaque État membre doit, de son côté, évaluer les produits tels que commercialisés dans leurs formulations complètes. Les produits commercialisés doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. En France, c’est l’ANSES qui réalise cette évaluation. L’analyse porte alors sur les effets de toxicité aigüe à court terme. Aucune nouvelle analyse à long terme sur l’effet des substances composant le pesticide commercialisé n’est réalisée. 

L’effet pervers de cette double évaluation est que lors de l’analyse de la substance active déclarée au niveau européen, la recherche démontre qu’il existe des substances actives non déclarées. De plus, l’EFSA écarte toutes les publications scientifiques portant sur les produits complets tels que commercialisés qu’elle juge non pertinents. Elle écarte donc les analyses portant sur les effets cumulés entre différents composants à l’intérieur d’un même produit pesticide, communément appelé « effet cocktail ». L’EFSA considère qu’elle ne doit étudier et vérifier que l’impact de la substance déclarée active seule et écarte donc les publications sur les effets cumulés avec d’autres substances qui peuvent être aussi actives, mais non déclarées, comme l’arsenic. 

Or, des études ont révélé la présence d’hydrocarbures ou de métaux lourds comme du plomb ou du nickel dans des produits vendus comme des substituts au glyphosate. La plus récente date du mois d’octobre 2020. Elle portait sur des produits commercialisés comme des alternatives au glyphosate dans un emballage qui laissait clairement croire aux consommateurs qu’ils étaient sans danger. Destinés au grand public, les bidons laissaient apparaître la mention « Nouveaux principes actifs ». 

L’EFSA dispose de deux mois pour répondre aux eurodéputés. Soit elle tient compte de leurs remarques et change radicalement ses méthodes d’évaluation. Soit elle persiste ou refuse de répondre et alors une action en justice pourrait être engagée. 

« Nous ne sommes qu’au début d’un processus et nous devons être humbles », a averti Éric Andrieu. « En effet, depuis que nous travaillons sur ce sujet, nous avons découvert le poids et l’influence des lobbies. » C’est la raison pour laquelle, les promoteurs de Secrets toxiques doivent s’armer de patience, mais surtout tenter de convaincre au-delà des rangs des élus européens qui seront en première ligne mais qui auront besoin d’être soutenus par les parlementaires nationaux, les ONG, mais au-delà par les citoyens européens qui doivent se mobiliser. 

 

Article publié dans le Cap Finistère n° 1345 du 5 mars 2021

 

 

 




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