Socialistes donc internationalistes
La France est un des rares pays qui offrent à leurs autorités locales un cadre législatif adapté pour leur permettre d’engager des projets à l’International. Pour les accompagner, la Délégation pour l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales (DAECT) vient de publier le guide opérationnel de la coopération décentralisée. Pour André Viola, vice-président de la Commission nationale de la coopération décentralisée et conseiller départemental socialiste de l’Aude, les collectivités locales doivent s’engager encore plus fortement à l’International.
Cap Finistère : Pourquoi publier ce guide maintenant ?
André Viola : La coopération décentralisée repose sur un partenariat de collectivité à collectivité, impliquant des échanges humains et des relations de confiance entre les partenaires. Alors que les nouvelles équipes municipales se sont mises en place et que les élections départementales et régionales interviendront l’année prochaine, il nous a semblé utile de rappeler le dispositif législatif qui encadre les opérations de coopération à l’International et surtout de donner des exemples des actions qui peuvent être engagées et expliquer la valeur ajoutée que représente l’action internationale pour un élu, dans le cadre de son mandat.
Cap Finistère : Combien de communes mènent des actions de coopération décentralisée ? En direction de quels pays ? Et sur quelles thématiques ?
André Viola : La France est le pays dont les collectivités s’engagent le plus fortement dans la coopération décentralisée. Les pays scandinaves consacrent un budget plus important que nous pour la coopération (environ 0,7 % du PIB contre 0,55 % pour nous) mais leurs actions sont menées par les États et non par les collectivités locales. La DAECT recense 4 700 collectivités engagées dans 10 440 projets, avec 8 150 partenaires étrangers dans 134 pays.
Lorsqu’on parle de collectivités, il y a bien sûr les communes, communautés de communes, départements et régions, mais il y a aussi les syndicats d’eau ou d’électrification qui sont très actifs, grâce au prélèvement de 1 % de leurs recettes dédiées à des coopérations internationales.
Environ les deux tiers des coopérations concernent l’Afrique et, sur ce continent, les pays avec lesquels les collectivités françaises entretiennent le plus de relations sont le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso.
Les projets sont classés dans quelques grandes catégories : d’abord, l’éducation, le social et la recherche (28 %), puis l’économie durable (24 %), la culture et le patrimoine (19 %), les actions humanitaires et la coopération transfrontalière (15 %) et enfin l’environnement, le climat, l’énergie (14 %). La Région Bretagne mène, par exemple, avec la Région Centre du Burkina Faso, un projet de coopération de long terme qui vise à organiser la filière du maraîchage. L’objectif est d’améliorer la qualité de la production maraîchère que pratique une partie importante de la population active, notamment les femmes agricultrices, mais aussi d’accompagner les coopératives et d’augmenter la capacité de stockage. Ce programme touche aujourd’hui neuf coopératives et plus de 600 producteurs.
Cap Finistère : Pourquoi inciter les communes ou les communautés de communes à s’engager dans des programmes de coopération ?
André Viola : Les socialistes sont, par définition, internationalistes. Ces coopérations entre collectivités représentent une formidable opportunité d’ouverture vers les autres. Nous avons des exemples de collectivités, dirigées par la droite, qui mènent des actions de coopérations mais qui ne le disent pas de peur d’être accusées, selon la vieille formule poujadiste, « la Corrèze plutôt que le Zambèze », d’aider des étrangers. Or, nous ne sommes plus dans la coopération post coloniale, mais bien dans des échanges entre collectivités locales. De nombreux pays qui s’engagent dans des processus de décentralisation font appel à l’expertise des collectivités françaises. J’ai en tête un exemple d’échanges entre le Niger et la Basse Normandie. Les membres de la délégation nigérienne étaient sortis effarés de la visite d’un EHPAD, expliquant que pour eux, les personnes âgées ne pouvaient pas être mises à l’écart de la société. À la suite de cet échange est né un projet d’installer une crèche au sein de l’EHPAD. Cet exemple montre que la coopération n’est pas à sens unique et qu’il peut être bénéfique pour les deux parties. Ce sont des partenariats gagnants-gagnants qui permettent une ouverture sur le monde, pour les élu.es, les agents, mais aussi les citoyens, et qui contribuent aussi au rayonnement international de nos collectivités
Article publié dans le Cap Finistère n°1327 du 9 octobre 2020