Paradoxalement, il a beaucoup été question de jeunesse lors de l’hommage que les socialistes du Haut-Trégor ont rendu à Tanguy Prigent, le 22 janvier. En effet, lorsqu’on retrace son parcours exceptionnel, on est tout de suite frappé par la précocité de son engagement, comme l’ont rappelé Maryse Tocquer, maire de Saint- Jean-du-Doigt, Georges Lostanlen et Jérome Calmels, co-animateurs de la section du Haut-Trégor.
En 1924, alors qu’il n’a que 15 ans, il créé la première section socialiste SFIO de Saint-Jean-du-Doigt. En 1935, il est élu conseiller général du canton de Lanmeur mais, parce qu’il est trop jeune de quatre jours, son élection est invalidée. Il fut naturellement réélu une fois l’âge requis et devint le plus jeune conseiller général du Finistère. La même année il est élu maire et le restera jusqu’en 1970.
L’année suivante, il se présente aux Législatives et devient, cette fois, le plus jeune élu du Front populaire.
En 1940, il fait partie des 80 parlementaires (53 députés et 27 sénateurs) qui refusent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. « Il le fait en sachant qu’il sera démis de tous ses mandats. Il avait parfaitement conscience des conséquences de son choix », a rappelé le sénateur Jean-Luc Fichet.
En 1944, c’est à la radio qu’il apprend sa nomination comme ministre de l’Agriculture dans le gouvernement du Général de Gaulle. Sous le pseudonyme de Jacques Le Ru, il joua un rôle important dans le réseau de résistance Libé Nord, de 1943 à 1944, notamment comme agent de liaison, au début, avant de participer aux maquis du Nord Finistère.
Si on retient surtout son action en faveur des agriculteurs, avec la fameuse loi sur le fermage, il ne faut pas oublier que Tanguy Prigent a, tout au long de sa vie, été un militant de l’éducation populaire. Cultivateur, il a aussi été journaliste, écrivant régulièrement dans Le Breton socialiste et créant même le journal Résistance paysanne, pendant la guerre. « Il fut à l’origine des foyers ruraux », a rappelé Jérôme Calmels qui a insisté sur l’importance que Tanguy Prigent accordait à l’éducation populaire, à l’émancipation par le savoir et la culture.
Dans Le Breton socialiste du 3 décembre 1933, le jeune socialiste qu’il était à l’époque résumait ainsi son idéal : « Ce que nous voulons ? Vivre. Vivre décemment, vivre complétement par le corps et par l’esprit. Manger à notre faim, voir s’éloigner le spectre de la misère et avoir la possibilité de nous perfectionner par l’instruction, la lecture, accéder au vaste domaine de la pensée, connaître à notre tour les satisfactions idéales de l’esprit. »
« Aujourd’hui aussi il y a des combats à mener pour la dignité des agriculteurs. »
Il a aussi été question d’union de la Gauche puisque des représentants du PCF, d’EELV et de Génération.s étaient présents et que l’UDB avait fait savoir qu’elle s’associait à l’hommage. Tanguy Prigent était si profondément agriculteur qu’on se sent toujours obligé de le présenter comme le ministre paysan. Mais quand un banquier ou un avocat devient ministre personne ne songe à parler du banquier ministre ou de l’avocat ministre.
« Aujourd’hui, Tanguy Prigent mènerait des combats pour la dignité des cultivateurs », a insisté Jean-Luc Fichet. « Il ne faut pas oublier que les
combats qu’a mené Tanguy Prigent ont été des combats violents. N’oublions pas qu’il est mort seul. »
Au-delà de la personnalité de Tanguy Prigent, c’est à ses combats que le sénateur a voulu rendre hommage. Car les combats pour la dignité dépassent les militants qui les portent. « Aujourd’hui, vendre une baguette à 29 centimes ou un kilo de porc à 2 euros, c’est porter atteinte au monde agricole. C’est très grave. Oui ça satisfait le consommateur. Mais on remet des gens dans la précarité, puisque toute la chaîne de production est pénalisée. Et on est obligé de se demander où est Tanguy Prigent pour empêcher la spéculation et permettre à chacun de gagner sa vie et d’avoir un pouvoir d’achat correct. »

Article publié dans le cap Finistère n°1380 du 4 février 2022

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