Un texte à revoir
Depuis le début, dans le dossier des retraites, le gouvernement met la charrue avant les boeufs.
Valérie Rabault, Boris Vallaud, Régis Juanico et Hervé Saulignac ont d’ailleurs interpellé Richard Ferrand, particulièrement discret sur ce sujet jusqu’à présent. En tant que président de l’Assemblée, c’est tout de même à lui qu’il revient de faire respecter la procédure parlementaire,
En effet, la loi organique du 15 avril 2009 prévoit que l’étude d’impact d’un projet de loi doit exposer avec précision « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et des personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ».
Mais, comme le gouvernement navigue littéralement à vue sur ce dossier, le document faisant office d’étude d’impact ne répond évidemment pas à ces dispositions.
Au moins trois éléments permettent aux députés d’affirmer que ce document méconnaît les conditions fixées par l’article 39 de la Constitution.
En premier lieu, le gouvernement présente plusieurs exemples d’effets d’un système universel sur des carrières types. Ces simulations se basent sur un âge d’équilibre de 65 ans. Mais, dans le même temps, l’article 10 du projet de loi précise que l’âge d’équilibre « évolue par génération, à hauteur des deux tiers de l’évolution des prévisions d’espérance de vie à la retraite des assurés ». La contradiction saute aux yeux.
De manière plus générale, c’est l’ensemble des projections financières qui est en cause. En effet, dans son avis, le Conseil d’État s’inquiète que « les projections financières restent lacunaires ». Il demande au gouvernement d’apporter des précisions sur les impacts de son projet sur le taux d’emploi des seniors, les dépenses de l’assurance chômage ou des minima sociaux.
Enfin, le gouvernement, dans son projet de loi, annonce qu’il aura recours aux ordonnances pour au moins un tiers des articles. C’est donc un chèque en blanc qu’il demande aux parlementaires de signer. Le Conseil d’État est très clair sur cet aspect : « s’en remettre aux ordonnances pour la définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionalité ».
Pour toutes ces raisons, les signataires de ce courrier demandent au président de l’Assemblée de saisir la conférence des présidents afin qu’elle puisse constater que l’étude d’impact n’est pas conforme à la Constitution.
Article publié dans le Cap Finistère n° 1298 du 7 février 2020