Tant sur la forme que sur le fond, l’avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) sur la proposition de loi relative à la sécurité globale est un véritable réquisitoire.
Sur la forme d’abord. La CNCDH « déplore le procédé qui consiste, pour le gouvernement, à passer par une proposition de loi pour instaurer des mesures aussi sensibles. En n’assumant pas directement le choix de ces nouvelles orientations sécuritaires, qu’il aurait dû détailler dans un nouveau projet de loi, le gouvernement prive le Parlement et la société d’une étude d’impact ainsi que d’une expertise juridique du Conseil d’État, préalables requis à l’examen parlementaire de tout projet de loi ».
Sur le fond, la CNCDH conteste tous les chapitres de la proposition de loi, comme notamment l’extension, de manière significative, des compétences des polices municipales sur le fondement de l’article 72 de la Constitution qui autorise, en son alinéa 4, des expérimentations.
Or, « ce transfert de compétences n’est possible que dans le respect des libertés publiques ou de droits constitutionnellement reconnus. À ce titre, l’impossibilité pour les citoyens de connaître les compétences de telle ou telle police municipale conduit à une situation d’insécurité juridique qui intervient dans le domaine des libertés publiques et au préjudice de celles-ci ».
En outre, la commission s’interroge sur l’utilité d’un accroissement quasi indéfini des organes de contrôle de la population. « Ceci est d’autant plus inquiétant lorsqu’il s’agit d’organes sensibles au contexte politique local, puisque les agents de police municipale agissent sous l’autorité du maire, lequel est destinataire des procédures. Alors que la police nationale agit sous la direction, le contrôle et la surveillance de l’autorité judiciaire, les agents de police municipale exerceront ainsi des compétences de police judiciaire en répondant aux injonctions des élus locaux. »
Concernant le fameux article24, la CNCDH rappelle qu’il va de soi que, comme tout citoyen et plus particulièrement tout fonctionnaire, les membres des forces de l’ordre doivent être protégés des menaces à leur encontre et à l’encontre de leurs proches.
Cependant, dans une démocratie, l’usage de la force ne devrait être ni honteux, ni dissimulé, mais transparent et contrôlable. En outre, une telle disposition paraît non seulement contraire au droit à l’information, mais également aux principes fondamentaux de la justice.
En conclusion, la CNCDH « déplore qu’une proposition de loi ayant des conséquences aussi graves sur l’exercice des droits et libertés fondamentaux soit adoptée dans l’urgence, alors que rien ne justifie une telle précipitation. Elle s’inquiète plus fondamentalement de la promotion, à travers ce texte, d’un modèle de société axé sur la surveillance des individus, très éloigné des valeurs garanties par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».
Article publié dans le Cap Finistère n°1334 du 4 décembre 2020
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