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mercredi 25 décembre
Une parole précieuse
La parole de Bernard Cazeneuve est précieuse car rare. Rare et réfléchie, comme ont pu s’en rendre compte celles et ceux qui l’ont rencontré durant son périple breton, le week-end dernier. À Brest, d’abord, le vendredi, où il a présenté et dédicacé son livre « À l’épreuve de la violence », puis à Trélivan, où il est intervenu, en compagnie du président du Conseil régional, Loïg Chesnais-Girard, devant les adhérents des Côtes-d’Armor. 
Pourquoi a-t-il décidé de prendre la plume et de revenir, de manière précise et factuelle, sur les événements qu’il a vécu place Beauvau ? 
« J’ai voulu apporter ma part de vérité alors que certains écrivent l’histoire du quinquennat précédent en fonction de leur intérêt politique ». C’est la raison pour laquelle ce premier tome est très factuel. Le second, qui couvrira la période 2015/2017 sera plus politique. 
Bernard Cazeneuve n’apprécie pas l’époque que nous vivons, faite de tweets, de clash et de punch line. À l’immédiateté qui exacerbe et qui hystérise, il préfère la pondération. À l’émotion, il répond par la rationalité. Certains ont voulu faire passer cette rigueur pour un manque de sensibilité. C’est évidemment faux et Bernard Cazeneuve s’en est expliqué. S’il n’intervient pas après la mort accidentelle de Rémy Fraisse, c’est parce qu’il ne pense, à ce moment, qu’à la peine des parents et des proches de la victime et ne poursuit qu’un seul but : que la vérité éclate. C’est donc au procureur de la République, en charge de l’enquête, de communiquer, pas au ministre de l’Intérieur qui respecte, scrupuleusement, la séparation des pouvoirs. 
On ne sort pas indemne du ministère de l’Intérieur, selon Bernard Cazeneuve. Celui qui est considéré comme l’homme le mieux informé de France est aussi celui à qui tous les services de sécurité doivent rapporter les pires exactions commises ou les tentatives heureusement empêchées. 
Il faut prendre garde de ne pas se laisser griser et surtout, ne jamais oublier que le ministre de l’Intérieur est chargé de la sécurité et de la répression de la délinquance, mais aussi, en même temps, du respect des libertés publiques. « Il est autant comptable de l’efficacité des forces de l’ordre que du vivre ensemble et de la concorde », a insisté Bernard Cazeneuve qui, place Beauvau, a multiplié les consignes de pondération. « Il ne peut y avoir de République exemplaire sans forces de l’ordre impeccables ». Le ministre de l’Intérieur doit soutenir les forces de l’ordre et rappeler sans cesse leur dévouement au service du pays, mais il ne doit tolérer aucun manquement. « Tous ceux qui passent leur temps à théoriser les violences policières ne rendent pas service à la République », a insisté Bernard Cazeneuve. 
L’ancien ministre de l’Intérieur veut par-dessus tout être utile à la France. En particulier, en évoquant le risque terroriste islamiste toujours aussi fort. Notre pays avait, avant 2015, déjà été frappé par des attentats islamistes. Mais ils étaient commis par des terroristes qui venaient de pays étrangers et qui tentaient ensuite de s’enfuir. En 2015, notre pays a été confronté à un autre phénomène : des ressortissants français, fanatisés par une propagande numérique, rejoignent des combattants islamistes au Levant. Ce terrorisme réticulaire, selon la formule de Gilles Keppel, attire des milliers de personnes. Entre 2014 et 2015, nous sommes passés de 300 à 1 200 personnes endoctrinées. 
« Trop souvent les postures remplacent les convictions. » 
Le combat contre ce phénomène nouveau a dû être mené très rapidement, dans des conditions difficiles, alors même qu’entre 2007 et 2012, 13 000 postes avaient été supprimés dans les services de police ou de gendarmerie. 
La France traverse une crise grave. Les tensions sont palpables et le pays peut à tout moment basculer dans la violence. Plusieurs raisons expliquent cette situation. D’abord, trop souvent la posture remplace les convictions et certain.es n’hésitent pas à organiser la confrontation au lieu d’avoir le courage de rechercher la vérité. Ensuite, le sens de l’État se perd. Quand on est au gouvernement, ce n’est pas pour préparer le congrès de son parti ou la prochaine élection. Lorsqu’on a l’honneur de participer à un gouvernement, chaque propos peut avoir des conséquences graves et il est indispensable de bien mesurer la portée de chaque déclaration. Les injustices et les inégalités exacerbent les tensions, surtout dans un pays où des territoires se sentent abandonnés. À cet égard l’ancien premier ministre a dénoncé les cadeaux fiscaux aux plus favorisés et la remise en cause des dispositifs de solidarité. 
Enfin, le comportement des dirigeants politiques devrait être exemplaire. Or, les séances de questions au gouvernement se déroulent dans le brouhaha voire le vacarme. Tout le contraire de l’esprit de pondération que prône Bernard Cazeneuve qui considère que la gauche humaniste ne pourra pas se reconstruire aux marges. 
La question de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 lui a été posée. Bernard Cazeneuve, sans fioriture, a une nouvelle fois indiqué n’être candidat à rien. Dont acte. Il aurait d’ailleurs été surprenant qu’il profite de son passage à Dialogues pour annoncer se lancer, deux ans avant, dans la course à la Présidentielle. Cependant, l’ancien premier ministre a tout de même pu tester sa côte de popularité auprès de ses lecteurs. Et il a pu faire savoir aux socialistes, que, en fonction de la configuration politique dans les mois qui viennent, ils peuvent compter sur un candidat d’expérience qui prend la parole lorsque c’est nécessaire et pas en fonction de l’air du temps.
 
Article publié dans le Cap Finistère n°1296 du 24 janvier 2020
 



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