Urgence sociale
La veille de l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron, Olivier Faure lui avait adressé un courrier dans lequel il rappelait, en toute transparence, les propositions des socialistes pour traverser la crise du confinement. Il insistait particulièrement sur la dimension sociale de cette crise à un moment où le MEDEF et la frange la plus libérale d’En Marche tentait d’accréditer l’idée selon laquelle l’après confinement devrait se traduire par plus d’efforts pour les plus modestes. « Notre pays doit à présent prendre des engagements pour garantir, dans l’épreuve, la cohésion d’une Nation. Chaque jour qui passe, la crise sanitaire et le confinement accroissent les inégalités et les fractures sociales dans notre pays. Tous les retours démontrent que cette crainte, que je vous avais déjà exprimée, se confirme. Le département qui compte le plus grand nombre de morts est aussi le plus pauvre. La précarité, l’accès réduit aux soins, le manque de moyens pour se nourrir correctement et la surpopulation dans les logements exigus contribuent largement à cette situation. Aucun territoire ne saurait être stigmatisé alors que les études démontrent que le non-respect du confinement est aussi répandu, voire supérieur, dans les zones habitées par des populations plus favorisées économiquement. Dans notre pays, sixième puissance économique mondiale, une part de la population ne se nourrit plus à sa faim. Les étudiants qui bénéficiaient des repas au Crous ne peuvent plus s’y rendre ; de nombreux enfants, pour lesquels le seul vrai repas quotidien était celui de la cantine, n’y ont plus accès. Des livreurs payés à la course voient leur revenu s’effondrer et se privent de manger. « Je réitère ma demande d’indemnisation des salariés à 100% jusqu’à 2,5 SMIC. » Dans de nombreuses familles, le confinement aggrave non seulement l’injustice sociale, les difficultés scolaires mais aussi les violences intrafamiliales. À côté de l’état d’urgence sanitaire, vous devez imposer un état d’urgence social. Votre responsabilité, c’est d’ouvrir les droits à l’assurance-chômage dès deux mois d’affiliation, de revenir sur les six mois exigés depuis novembre et de supprimer définitivement votre réforme de l’assurancechômage, fabrique infernale à précarité. Il est temps de décider, aussi, que le versement de la prime d’activité des mois de janvier et février se poursuivra chaque mois pendant le confinement. Votre responsabilité, c’est de ne pas laisser les collectivités, admirables dans cette crise, assumer seules. Donnons-leur les moyens. Il faut entendre l’appel des élus, notamment nos présidents de Conseils départementaux, qui demandent que l’accès aux aides sociales soit facilité et que les interruptions envisagées soient stoppées. Dans l’urgence, il est impératif de mettre en place une aide exceptionnelle de 300 euros par foyer et une majoration de 100 euros par enfant, pour tous les ménages bénéficiaires des minima sociaux, des aides au logement et de l’allocation de rentrée scolaire, comme vous le demandent les associations de lutte contre l’exclusion. La solidarité du quotidien passe par les élus locaux. Je vous demande de mieux associer les collectivités locales à sa mise en œuvre. Cette crise sociale, engendrée par la suspension d’une large part de notre activité, sera demain amplifiée par une crise économique que l’on sait sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Les dispositifs que vous avez mis en place, autour notamment du recours au chômage partiel et du fond de solidarité, sont précieux, mais ils laissent encore trop de nos concitoyens sur le bord de la route. S’agissant du chômage partiel, je réitère ma demande d’indemnisation des salariés à 100 % jusqu’à 2,5 SMIC. Les mesures gouvernementales doivent être amplifiées, à la mesure du coût du confinement pour l’économie française. Cet effort doit, en particulier, être dirigé vers les TPE et PME, les indépendants ou encore les compagnies du secteur artistique et culturel. Le comportement des banques est encore trop souvent celui de la sélection de leurs risques et les refus opposés aux entreprises fragiles sont légion. La garantie de l’État doit être portée à 100% afin que les prêts soient réellement accessibles à tous. Des aides massives aux entreprises industrielles devraient être accordées pour amorcer de nouveaux projets d’innovation et de diversification, notamment orientés vers la relocalisation et la transition écologique, sous la forme d’avances remboursables uniquement en cas de succès commercial. » Pour le premier secrétaire du PS : « il est hors de question de faire payer aux premiers de tranchée et aux classes moyennes précarisées la facture de cette crise ».
Article publié dans le Cap Finistère n°1308 du 17 avril 2020