Même à faible dose, la consommation d’alcool pendant la grossesse peut avoir des effets dramatiques sur le développement des enfants. L’association SAF France s’est fixé pour mission de le faire savoir à tous les futurs parents comme nous l’explique Hervé Gouédard, trésorier national et représentant régional de SAF France.
Cap Finistère : Qu’est-ce que le SAfthon ? Qui en est à l’origine ? A quoi sert l’argent récolté ?
Hervé Gouédard : Il faut d’abord revenir sur « la journée internationale de la lutte pour la prévention des troubles causés par l’alcoolisation fœtale » qui a été lancée le 9 septembre 1999. Quatre 9 comme les 9 mois d’une grossesse. L’association SAF France comme Syndrome d’Alcoolisation Fœtale a été créée en 2008 par quelques pédiatres, dont moi. Nous travaillions sur ce sujet depuis plusieurs années déjà mais nous avons considéré qu’il fallait franchir une étape en nous donnant une visibilité institutionnelle. Nous nous sommes donc emparés de la date du 9 septembre et nous avons repris l’idée du téléthon pour lancer le SAFthon. Depuis 2016 il monte régulièrement en puissance. Depuis 3 ans, nous avons noué un partenariat, très important pour nous avec l’UMIH (Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière) qui regroupe près de 90 000 commerces (bars, restaurants, discothèques…) qui relaient notre message de prévention pour expliquer que la consommation d’alcool doit être totalement bannie pendant la grossesse. Ils relaient nos messages de prévention sous forme de flyers, d’affiches ou de sets de table. Donc une partie de l’argent que nous récoltons à l’occasion du SAFthon sert à concevoir et imprimer ces supports. L’autre partie est utilisée pour réaliser des enquêtes d’opinion auprès du grand public, des professionnels de santé ou de jeunes mamans.
Cap Finistère : Comment se manifestent les effets des TCAF ?
Hervé Gouédard : L’alcool est le seul toxique que l’on connaisse qui s’attaque au noyau même de nos cellules ce qui affecte la croissance des organes et peut provoquer des défauts plus ou moins importants en fonction de la quantité d’alcool absorbée. Cela peut donner des malformations du visage ou d’organes comme le cœur ou les reins.
Mais, l’organe le plus vulnérable est le cerveau. Tous les autres organes, à 10 ou 12 semaines, sont fabriqués. Mais le cerveau, quant à lui, se construit jusqu’à la naissance et même après. L’action de l’alcool, même à faible dose, peut altérer la croissance du cerveau et causer des troubles qui ne vont se manifester qu’au moment où l’enfant va commencer à parler ou à marcher. Il va avoir un comportement imprévisible, être hyperactif ou manifester des troubles de l’attention.
Cap Finistère : Pourquoi est-ce si difficile de faire passer un message pourtant simple : zéro alcool pendant la grossesse ?
Hervé Gouédard : Plusieurs raisons expliquent ce paradoxe. Les enquêtes que nous avons menées auprès des professionnels de santé nous ont permis de mieux les saisir. Les médecins reconnaissent qu’ils ne pensent pas toujours à alerter les futures mamans mais ils avouent aussi qu’ils éprouvent de la gêne pour aborder cette question qui recouvre des aspects culturels et personnels. Nous devons donc sensibiliser et accompagner les professionnels de santé.
Du côté des pouvoirs publics, on sent que personne ne veut prendre cette question à bras le corps. D’une part parce que le lobby des producteurs de boissons alcoolisées est très actif. Mais aussi parce que le gouvernement a laissé faire et a trop délégué à Addictions France (anciennement ANPAA) qui communique très peu sur l’alcoolisation fœtale. Fort heureusement, on sent, notamment au fil des Safthon, une évolution et une prise de conscience.
Cap Finistère : Quel rôle peuvent jouer les collectivités locales dans la prise de conscience des futurs parents ?
Hervé Gouédard : Il est essentiel, en particulier pour les départements, en charge de la petite enfance. Et j’en profite pour saluer l’action de la conseillère départementale de Morlaix, Gaëlle Zanéguy, qui porte ce dossier avec d’autant plus de détermination qu’elle est et a été confrontée, en tant qu’assistante sociale, à des enfants atteints de ces troubles. En 2018, le Conseil départemental du Finistère a signé la Charte internationale sur la prévention de l’ensemble des troubles de l’alcoolisation foetale, l’engageant à favoriser l’information des femmes enceintes et de leur entourage. Cette année, nous allons former les agents du Conseil départemental. Nous sommes également en contact avec les villes de Morlaix et Brest pour qu’elles aussi s’engagent à informer les futures mamans.
C’est un enjeu de santé publique essentiel qui touche environ 15 000 enfants chaque année en France dont 160 dans le Finistère. Il suffirait simplement que les femmes enceintes ne consomment aucune goutte d’alcool pendant leur grossesse pour éviter des anomalies morphologiques mais surtout des troubles des apprentissages et de troubles du comportement qui vont empêcher tout au long de la vie une bonne intégration sociale et professionnelle.
En savoir plus : https://saffrance.com
Article publié dans le Cap Finistère n° 1404 du 16 septembre 2022
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