Olivier Faure a défendu, le 31 octobre, une motion de censure, suite au 49.3 pour le PLFSS
"La situation vous la connaissez depuis le mois de juin. Les Français ne vous ont pas accordé de majorité absolue. Le message était limpide. Après un quinquennat où le président n’a écouté que lui-même, les Français ont souhaité que s’élabore, dans le cadre de cet hémicycle, des compromis utiles.
Vous ne les avez jamais cherchés. En tous cas vous ne les avez jamais recherchés à gauche de cet hémicycle. Et le président a été – on ne peut plus clair – la semaine passée en appelant distinctement à une alliance avec la droite de l’Assemblée.
C’est votre pente naturelle. Vous voulez mener une politique de droite. Il est de ce point de vue logique que vous appeliez la droite à se mettre en cohérence avec elle-même en vous rejoignant.
Pour notre part, nous avons lundi dernier, signé et voté avec l’ensemble de la NUPES deux motions de censure, sur le PLF et le PLFSS. Nos raisons de nous opposer sur ces deux projets n’ont pas varié depuis.
Une semaine après, nous sommes à nouveau réunis pour des raisons identiques.
Vous avez décidé, une nouvelle fois, de passer en force. Et vous ne comptez pas vous arrêter en si bon chemin. Il est déjà évoqué un nouveau 49-3 à la fin de cette semaine. D’ici à la fin de l’exercice budgétaire, vous pouvez le dégainer encore jusqu’à 19 fois.
Les prochaines semaines, nos les connaissons. Plutôt que de rechercher le compromis, vous allez rester vissée sur vos positions et vous tenterez de renvoyer l’idée du blocage à l’opposition.
Contre toute vérité, vous continuerez d’évoquer une hystérisation du débat qui n’a pas eu lieu.
La vérité c’est qu’il n’y a eu ni obstruction, ni caricatures, mais juste un débat nécessaire à un moment où vous engagez notre pays sur une voie qui menace sa cohésion.
La vérité c’est que l’usage du 49-3 vous permet d’abord de museler les parlementaires de votre propre majorité relative.
Certains d’entre eux ont fait le choix d’entendre pour les uns leur conscience, pour les autres leurs électeurs. Et il n’est pas impossible que les deux se conjuguent.
C’était le cas sur le PLF avec les votes sur la taxation des superdividendes ou le crédit d’impôt pour les résidents en Ehpads. C’est vrai sur le PLFSS où vous masquez un début de fronde dans vos rangs :
Sur la suppression de l’interdiction des téléconsultations pour prescrire les arrêts de travail
Sur les exonérations de cotisations sociales entre 2,5 et 3,5 SMIC, amendement déposé y compris par votre président de la commission des lois
Sur la régulation de l’installation des médecins posé par le très autonome groupe Horizons.
Sur l’opposition larvée au transfert de recouvrement de l’Agirc Arco aux Urssaf
Bref votre refus d’un dialogue intelligent avec le Parlement ne se limite pas aux oppositions. C’est le Parlement tout entier que vous méprisez.
Pour masquer votre brutalité, vous voulez désormais banaliser l’usage du 49-3. Vous voudriez le transformer en instrument ordinaire de gestion du débat parlementaire.
En regard nous pensons, nous socialistes, imprudent de banaliser l’usage de la motion de censure qui doit conserver son caractère exceptionnel pour en maintenir la force symbolique. La motion de censure est un argument ultime. A suggérer chaque semaine que le gouvernement tombe, sans que jamais il ne soit réellement menacé, on prend le risque d’affaiblir la force du message et l’écho qu’il doit trouver dans l’opinion.
Pour cette raison nous n’avons signé aucune motion de censure à l’instar de nos collègues des groupes écologistes et communistes. C’est un point de désaccord avec nos collègues insoumis. Avec la répétition des 49-3 et de leur réplique, la motion de censure, le risque pris c’est celui d’un brouhaha continu qui ne profitera qu’à l’antiparlementarisme. Et ce risque-là chacun ici doit le mesurer.
Le RN de madame Le Pen n’en a que faire. C’est sa culture et son histoire. Le RN est dans un jeu tactique dont il sortira seul gagnant si nous continuons de focaliser notre attention sur son attitude.
Alors je vais dire des choses simples et définitives.
Nous ne voterons jamais aucune motion du RN, ni n’appellerons jamais ses voix. Tout nous sépare !
Nous sommes les héritiers du Conseil national de la Résistance, quand les communistes, socialistes, gaullistes, radicaux, chrétiens-démocrates, … préparaient la France d’après, pendant que l’extrême-droite, elle, collaborait à Vichy.
Nous sommes les héritiers d’Ambroise Croizat et de Pierre Laroque qui donnèrent à l’universalisme républicain une dimension encore jamais atteinte grâce à la mise en place de la sécu !
Vous avez fêté la victoire de Georgia Meloni qui revendique l’héritage du fascisme, nous nous sommes désolé que la gauche n’ait su lui opposer un front uni.
Vous avez soutenu Jair Bolsonaro, nous nous sommes réjoui cette nuit de la victoire de Luiz inacio Lula da Silva !
Vous avez obtenu des groupes Renaissance, Modem et Horizons, deux vice-présidents de notre Assemblée, la présidence de groupe d’amitiés qui vous permettront de parler au nom de la France à l’étranger, mais de nous, vous n’obtiendrez rien !
Quoi que vous votiez nous vous renverrons à votre opportunisme tactique, mais rien ne vous permettra de vous prévaloir de la moindre proximité avec nous. Partout où l’extrême-droite l’emporte, les résultats sont les mêmes. Vous partagez ce bilan avec les libéraux en le portant à son apogée. Les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Les services publics se paupérisent. L’accès aux soins est rendu plus difficile. Les femmes voient leurs droits régresser. L’âge légal de la retraite recule. La démocratie est méprisée, l’écologie est bafouée et au final, l’insécurité galope !
Et vous pouvez hurler. Vos cris ne nous effraient pas. Nous vous ferons face.
Quant à la motion du groupe LFI, si aucun d’entre nous n’en partage l’opportunité pour les raisons que j’ai précédemment évoquées, nous en partageons le sens et le contenu.
La fixation d’une évolution de l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie pour 2023 est inférieure à l’inflation. C’est la première fois ! Et l’évolution prévue pour les années 2024 à 2026 est tout aussi faible ! En termes clairs pour que les Français nous comprennent, vous avez décidé de dépenser moins pour la santé au cours des prochaines années ! c’est insoutenable !
Quelles sont les leçons tirées de la crise sanitaire ? depuis 20 ans, près de 80.000 lits d’hôpitaux ont été fermés. Soit une baisse de 16%, alors dans le même temps la population française a vieilli et augmenté de sept millions de personnes. Même en pleine crise Covid les lits ont continué de fermer. 5.700 ont été supprimés en 2020, puis 4 300 en 2021.
Quel hôpital voulez-vous ? Combien de temps resterez vous sourds aux alertes répétées des personnels hospitaliers ? En dix ans, les effectifs ont augmenté d’environ 3,5% alors que les hospitalisations ont crû d’un peu moins de 20%. Des services d’urgence suspendent leur activité, des situations très tendues comme en ce moment celle de la pédiatrie, et notamment de la réa pédiatrique. Alors stop ou encore ? Ce ne sont pas des économies que vous réalisez mais la pénurie que vous organisez !
Pour la médecine de ville 6 millions de Français n’ont pas de médecins traitants. Les déserts médicaux avancent. En 10 ans, le nombre de médecins généralistes a baissé de près de 10% alors que la demande de soins et la population continuent d’augmenter. Plus d’une personne sur trois a déjà renoncé à des soins par manque d’argent et plus d’un tiers des Français ont des difficultés à se rendre à l’hôpital. Alors Stop ou encore ?
Les révélations du livre « Les Fossoyeurs » de Victor Castanet ont ému la France entière. Et le gouvernement n’a pas manqué d’y ajouter sa larme de crocodile. Mais vous avez enterré le projet d’une loi grand âge que le président de la République s’était pourtant engagé à produire !
Allons-nous continuer à faire l’impasse sur notre société de la longévité, la dégradation de la santé des travailleurs, et notamment de leur santé mentale, les inégalités devant la retraite ?
Alors oui, tout coûte. Et la santé singulièrement.
Mais à quoi servent les pouvoirs publics s’ils ne sont plus là pour garantir ce bien commun qu’est l’accès de tous aux soins ?
Que valent vos tableaux de comptes si la variable d’ajustement, ce sont les Français qui n’ont d’autre choix que la solidarité nationale ? Les grandes fortunes ne seront jamais confrontées à l’absence de médecins, d’infirmières, de chirurgiens, d’anesthésistes… En revanche combien de gens ordinaires seront pris en charge trop tard ? Combien renonceront à se soigner ? C’est cette question qui devrait nous obséder. La seule.
Tout n’est évidemment pas possible. Mais l’absence de volonté est une faute.
Oui nous assumons la nécessité de recettes nouvelles. Nous réclamons la création d’une taxe sur les superprofits des grandes entreprises pour financer la Sécurité sociale. Nous exigeons des contreparties sociales et environnementales aux baisses de cotisations patronales. Nous assumons une redevance concernant les établissements médico-sociaux non majoritairement habilitées à l’aide sociale !
L’ambition d’un PLFSS n’est pas d’ajuster au mieux en faisant chaque fois moins. L’ambition d’un PLFSS c’est de garantir la protection de tous par la mutualisation des risques et des coûts, et de prolonger ainsi ce combat séculaire pour le progrès humain.
Voilà la position des socialistes qu’ils participent ou non au vote du jour. La sécurité sociale est un trésor. Nous en sommes les gardiens avec toutes celles et ceux qui n’oublient pas l’héritage du Conseil national de la Résistance. Pas pour en reprendre le sigle, mais pour en maintenir l’ambition. Pour reprendre le grand Jaurès, « Oui, nous avons, nous aussi, le culte du passé, mais c’est nous, parce que nous marchons, parce que nous luttons pour un idéal nouveau, c’est nous qui sommes les vrais héritiers du foyer des aïeux ; nous en avons pris la flamme, vous n’en avez gardé que la cendre".
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